« En cette période de transformation industrielle rapide et d’ajustement aux nouvelles technologies, le Canada doit mettre au point des produits qu’il fera fabriquer par d’autres, et non plus se contenter de fabriquer des produits inventés par d’autres. »

Présentation du CPSCA sur une stratégie canadienne de l’innovation, 31 août 2016

Le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l’automobile (CPSCA) est heureux de présenter ses recommandations et conseils au gouvernement du Canada afin de participer aux efforts déployés pour favoriser la croissance économique en bâtissant une nation plus innovatrice. Nous serons également heureux de collaborer avec le gouvernement pour discuter de nos recommandations et prendre part à leur mise en œuvre.

Transformation et changement au sein du secteur automobile mondial

Les avancées rapides de la technologie, l’évolution des goûts des consommateurs et les nouveaux joueurs au sein du secteur automobile mondial poussent l’industrie à offrir de nouveaux produits et services et à instaurer de nouveaux modèles d’entreprise qui font une plus large part aux technologies électriques, numériques et autonomes, et qui doivent également suivre la montée de l’économie du partage. Lux Research (IDC) prévoit que les véhicules autonomes représenteront une industrie de 87 milliards de dollars d’ici 2030. En Amérique du Nord, le secteur automobile investit également plus de 200 milliards de dollars dans de nouvelles « technologies vertes » qui amélioreront les économies de carburant de 50 % et réduiront grandement les émissions de gaz à effet de serre des véhicules automobiles légers et des camions. La cadence et l’ampleur des transformations technologiques n’ont jamais été aussi marquées.

Pour le Canada, il s’agit d’une occasion à saisir.

Au cours du siècle dernier, l’industrie automobile canadienne reposait essentiellement sur les usines de fabrication de véhicules et de pièces, qui faisaient partie d’un secteur automobile nord‑américain intégré. Aujourd’hui, les investissements réalisés en sol canadien dans ce secteur sont mis à mal par la concurrence mondiale, l’évolution des modèles et des accords commerciaux et un vaste éventail de facteurs de nature stratégique et macro‑économique. Les usines de montage canadiennes ont un rendement de grande qualité et demeurent à l’avant‑plan de l’innovation, bénéficiant des mêmes avantages technologiques que d’autres usines de montage partout ailleurs sur le globe, grâce à leur participation aux systèmes manufacturiers mondiaux. Le Canada doit continuer de miser sur la qualité, la productivité et l’innovation, mais ces forces sont de plus en plus remises en jeu au sein de l’industrie automobile mondiale.

Face à ces forces qui transforment l’industrie manufacturière mondiale, l’innovation doit devenir LA voie vers une croissance de cette industrie au Canada. Même si l’industrie s’attache à accroître sa compétitivité grâce à des regroupements comme le CPSCA, nous n’avons jamais fait le choix conscient de positionner le Canada comme lieu d’innovation, de recherche-développement (R-D) et de création de nouveaux produits et de nouvelles technologies automobiles. Cette situation a poussé les équipementiers à se doter de mandats différents et a favorisé des maillages plus ou moins ténus entre ces équipementiers et leurs services techniques.

Les perturbations de l’industrie mondiale et l’accélération des changements technologiques dans le secteur automobile, partout dans le monde, ont cependant incité de grandes entreprises à faire à nouveau confiance aux forces du Canada et à chercher des occasions de confier aux équipementiers, aux chercheurs et établissements de recherche et aux entreprises technologiques émergentes du Canada leurs projets d’innovation. En effet, la compagnie General Motors a annoncé le 10 juin 2016 qu’elle étofferait son écosystème canadien de l’innovation et du génie en ajoutant 1 000 postes d’ingénieurs et de chercheurs dans les domaines du développement de contrôles et de logiciels pour véhicules autonomes, de la sécurité active et de la technologie de la dynamique des véhicules, des plateformes d’infodivertissement et des véhicules connectés.

Plus simplement, en cette période de transformation industrielle et d’adoption rapide des nouvelles technologies, le Canada doit maintenant mettre au point des produits qu’il fera fabriquer par d’autres, et non plus se contenter de fabriquer des produits que d’autres ont inventés.

Les possibilités pour le Canada

Aujourd’hui, l’innovation dans le secteur automobile vise essentiellement les matériaux solides et légers, les communications mobiles, les capteurs et contrôles, le développement de logiciels, l’analyse des données, l’intelligence artificielle, la cybersécurité et les technologies de pointe relatives aux batteries. Bon nombre de ces domaines de recherche s’arriment bien aux forces et à l’expertise éprouvée du Canada. L’industrie mondiale continue également d’intégrer les technologies dans les processus de fabrication traditionnels, une avancée que le Canada et ses fournisseurs ne doivent pas perdre de vue.

En se dotant d’une stratégie de l’innovation automobile intégrée, le Canada a l’occasion de créer de nouvelles avenues vers la croissance économique, des emplois mieux rémunérés et des entreprises de calibre mondial et concurrentielles au sein du secteur automobile mondial. 

Mais pour y parvenir, les intervenants de l’industrie automobile canadienne ont besoin de ce qui suit :

  1. un accès aux talents
  2. un accès aux clients
  3. un accès au capital
  4. un régime de réglementation et de propriété intellectuelle facilitant.

Le présent document résume les observations et recommandations des comités du CPSCA et d’autres participants et les présente en fonction de ces quatre exigences :

1. Un accès aux talents

L’industrie automobile mondiale entre dans une course effrénée pour attirer et former les travailleurs spécialisés dont elle a besoin dans différents domaines de R‑D, comme les matériaux solides et légers, les communications mobiles, les capteurs, le développement de logiciels, l’analyse de données, l’intelligence artificielle, la cybersécurité et les technologies de pointe relatives aux batteries. Le Canada a une longueur d’avance en ce qui a trait aux travailleurs de talent grâce à son excellent système d’éducation et au précieux capital de connaissances de ses universités, établissements de recherche et entreprises. L’importance accordée aux programmes de STIM en Ontario a permis de former des étudiants hautement qualifiés. Ses programmes d’alternance travail‑études sont exemplaires et plusieurs de ses universités sont devenues des chefs de file mondiaux dans les domaines du développement de logiciels et de l’intelligence artificielle. Les entreprises mondiales des TIC et maintenant le secteur automobile ne sont pas restés insensibles à ces qualités. Le talent est à la base de la future économie du Canada axée sur l’innovation.

Et pourtant, certaines difficultés demeurent. Un grand nombre de diplômés canadiens dans ces domaines recherchés continuent de s’expatrier en Californie et ailleurs dans le monde pour poursuivre une carrière dans les technologies émergentes, y compris dans le secteur automobile. Les capacités de recherche scientifique du Canada en milieu universitaire sont enviées par plusieurs, mais le pays éprouve des difficultés notoires à commercialiser le fruit de ces recherches ou à les harmoniser de façon stratégique aux besoins changeants de certaines industries. Le Canada ne parvient pas à assurer une coordination stratégique entre les besoins de ses principales industries en croissance et les forces de ses établissements d’enseignement et de recherche. Il n’a pas les données requises pour aligner efficacement ses actifs avec les besoins du marché.

Les employeurs canadiens éprouvent également des problèmes avec certaines politiques gouvernementales, notamment le Programme des travailleurs étrangers temporaires, trop lentes à répondre à leurs besoins en travailleurs locaux et étrangers spécialisés, essentiels à leur succès sur les marchés étrangers. Le Canada dispose d’une solide base d’entrepreneurs, mais accuse des lacunes pour ce qui est de l’accompagnement de ces entrepreneurs afin qu’ils puissent se développer à l’échelle internationale au sein de l’économie de l’information. La gestion de la propriété intellectuelle en tant que stratégie fondée sur la « liberté d’opérer » pour les entreprises en développement revêt donc une importance capitale. On ne peut commercialiser une idée que si l’on possède les droits de PI associés à cette idée. Les entrepreneurs canadiens doivent adopter des stratégies qui leur permettent de tirer parti et de gérer leur PI.

En ce qui a trait aux travailleurs de talent, le CPSCA propose de travailler avec le Canada et l’Ontario dans les secteurs prioritaires suivants :

  • Établir un répertoire des compétences et capacités du Canada en matière de R‑D regroupant l’ensemble des fournisseurs, les universités et les autres établissements de recherche, et les jumeler aux besoins en génie, en développement technologique et en construction automobile des équipementiers et des fournisseurs à l’échelle mondiale;
  • Élargir et étoffer nos principaux programmes de développement des talents et concours destinés aux étudiants, comme Robotique FIRST et le défi EcoCAR, et créer de nouvelles compétitions canadiennes dans les domaines de la mobilité autonome et de la programmation;
  • Créer un groupe consultatif universitaire sur le développement des capacités formé de représentants du gouvernement et du secteur automobile afin de continuer d’investir dans la capacité des universités à former la bonne quantité de diplômés possédant les bonnes compétences en lien avec une économie innovante;
  • Introduire un avantage fiscal pour inciter les employeurs à offrir davantage d’occasions d’alternance travail-études;
  • Remédier aux lacunes du Programme des travailleurs étrangers temporaires et le remplacer par un nouveau programme de « visa de talent mondial » ou de « visa d’employeur de confiance »;
  • Renforcer les programmes d’éducation pour les entreprises canadiennes en développement portant notamment sur la gestion stratégique de la propriété intellectuelle.

2. Un accès aux clients

L’innovation sans clientèle n’a qu’une faible valeur économique. Tel que l’a noté le groupe de travail Jenkins sur l’innovation : « Pour assurer une collaboration efficace entre les entreprises, le gouvernement et le secteur de l’enseignement supérieur, il faut relier la "stimulation de l’offre" (supply‑push) de recherches et de découvertes et "l’attraction par la demande" (demand-pull) des entreprises qui cherchent à exploiter le potentiel commercial des nouvelles idées. »    

Au Canada, les programmes parrainés par le gouvernement ou les universités qui cherchent à promouvoir les capacités d’innovation du Canada dans le secteur automobile font sans aucun doute progresser la connaissance à l’échelle locale, mais ils ne généreront aucune nouvelle activité économique tant qu’ils ne seront pas alimentés par une connaissance des besoins et demandes des clients. La devise « innovons et ils viendront » ne constitue pas une stratégie, mais elle continue néanmoins de guider de nombreux intervenants canadiens, qui font peu de cas des besoins et intérêts réels des clients. L’innovation est un processus dynamique axé sur le client et, par conséquent, elle doit reposer sur l’établissement de liens avec les principaux développeurs et acheteurs de nouvelles technologies. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à commercialiser le capital de connaissances du Canada. 

Heureusement, depuis plus d’un siècle, le secteur automobile canadien bénéficie d’un excellent accès à l’industrie automobile mondiale et à sa chaîne d’approvisionnement. Ces liens essentiels avec les décideurs de la chaîne d’approvisionnement mondiale passent par une combinaison de filiales de constructeurs automobiles internationaux en propriété exclusive, d’organismes de réglementation, de concessionnaires automobiles, de nombreux fournisseurs nationaux et internationaux de niveau 1 et 2 et d’un éventail croissant d’entreprises en démarrage et en développement qui cherchent également à alimenter la chaîne d’approvisionnement automobile mondiale. Le Canada doit circonscrire et mobiliser les décideurs des équipementiers en mettant fortement l’accent sur la fabrication et les technologies émergentes.

Le conseiller du secteur automobile, Ray Tanguay, le CPSCA, le Canada et l’Ontario cherchent actuellement à formuler une meilleure proposition pour exposer la valeur de l’industrie automobile canadienne, et à mieux la communiquer. La disponibilité de travailleurs de talent et un solide écosystème de l’innovation présentent un intérêt certain pour les constructeurs automobiles internationaux qui cherchent des moyens de suivre l’évolution de ce marché.

La création d’un écosystème de l’innovation n’est pas le fruit du hasard, comme en témoignent les excellents exemples que l’on retrouve à Kitchener, Waterloo et Ottawa. Le Canada doit prendre des mesures ciblées pour développer cet écosystème (au carrefour des équipementiers, des fournisseurs, des universités, des établissements de recherche, des incubateurs et des entreprises en démarrage). Cette approche permettra de créer de nouveaux réseaux fournisseurs‑clients (équipementiers). Le gouvernement doit jouer un rôle actif pour coordonner le travail que sous‑tend ce réseau, mais il peut également devenir un client de ces entreprises innovantes par le truchement de ses politiques d’approvisionnement, tel qu’il est recommandé dans le rapport Jenkins sur l’innovation.

Le CPSCA propose de collaborer avec le Canada et l’Ontario afin d’atteindre les objectifs prioritaires suivants concernant la mobilisation des clients :

  • Achever les études dirigées du CPSCA afin de définir les besoins prioritaires en matière de technologies industrielles (besoins des équipementiers) et de les aligner avec le répertoire des talents et des capacités du Canada dans le but de formuler des recommandations sur les prochaines étapes et les secteurs à cibler;
  • Achever les études dirigées du CPSCA afin de mieux définir la « proposition de la valeur innovante » du Canada en lien avec les besoins et exigences prioritaires des équipementiers;
  • Lancer de nouvelles initiatives de collaboration et de « construction d’un écosystème », comme des conférences et des événements, afin de tisser des liens avec les fournisseurs‑clients et d’ouvrir des avenues plus directes vers les équipementiers internationaux qui ont un véritable pouvoir décisionnel;
  • Soutenir les entreprises émergentes canadiennes qui développent des technologies pour l’industrie automobile (en démarrage et en développement) grâce à un soutien aux technologies et produits innovants passant par les politiques d’approvisionnement du gouvernement.

3. Un accès au capital

L’accès au capital et d’autres incitatifs financiers sont des outils que certains pays exploitent pour développer des écosystèmes et des industries favorisant l’innovation.

Le Canada doit adapter sa politique financière visant le secteur automobile aux étapes de commercialisation des bénéficiaires de cette aide et reconnaître que les jalons des incitatifs à l’innovation ne peuvent pas être uniformes. Dans le cadre des programmes canadiens de financement de l’innovation, il importe de préciser que l’innovation est un processus non linéaire, et qu’elle peut échouer avant de se traduire par des succès ou des percées révolutionnaires. Il faut également comprendre que les besoins d’une entreprise canadienne en démarrage sont très différents de ceux d’une entreprise en développement ou d’un équipementier. 

Le Canada propose un vaste éventail d’incitatifs financiers liés à l’innovation, mais ceux-ci ont donné des résultats contrastés au sein du secteur automobile.

Les principales sources de soutien à grande échelle destinées à l’industrie automobile au Canada sont le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile (FISA) et le Fonds pour l’emploi et la prospérité (FEP) de l’Ontario, qui sont souvent jumelés dans le cadre des grands programmes d’investissement dans l’industrie automobile. Le Fonds pour l’emploi et la prospérité s’est révélé très efficace, mais le CPSCA recommande depuis longtemps de réformer le FISA afin de favoriser l’octroi de subventions plutôt que de prêts à long terme et ainsi s’assurer que le FISA demeure concurrentiel par rapport aux programmes similaires d’autres pays. Dans son plus récent budget, le nouveau gouvernement fédéral indique qu’il entend se pencher sur ces changements d’ici l’automne 2016. Ces programmes devraient continuer de garantir un soutien progressif aux investissements dans le secteur de la construction automobile et dans les travaux de R‑D des équipementiers du Canada.   

Le nouveau Programme d’innovation pour les fournisseurs du secteur de l’automobile (PIFSA) du Canada est un pas dans la bonne direction pour ce qui est de soutenir l’innovation des entreprises et le développement de nouveaux produits aux étapes intermédiaires du processus d’innovation. Les critères de sélection des projets du PIFSA, ainsi que les critères relatifs à l’admissibilité des participants, au financement et au processus de demande et d’approbation devraient être révisés en fonction de l’apport de l’industrie pour s’assurer qu’ils suivent l’évolution rapide des technologies et des besoins de l’industrie, mais également pour qu’ils permettent de relever les défis cernés par les fournisseurs du Canada.  

Le programme phare du Canada offrant des crédits d’impôt pour la RS‑DE bénéficie à des entreprises nationales rentables qui mènent des projets de R‑D, mais il demeure complexe, coûteux et se révèle d’une efficacité fiscale limitée pour les multinationales de l’automobile ou des technologies, et d’une faible utilité pour les entreprises en démarrage qui ne réalisent pas encore de profits. Même si le Canada investit 3 milliards de dollars par année dans ce crédit pour la RS‑DE, les multinationales ont pour quelque 10 milliards de dollars de crédits non utilisés inscrits à leurs livres comptables. Tel que l’a souligné le Mowat Centre, « le Canada, dont les investissements dans l’innovation reposent bien plus lourdement sur les incitatifs fiscaux que sur une aide directe aux secteurs, affiche à cet égard un comportement que l’on peut qualifier d’aberrant » [traduction]. Le PIFSA est une bonne façon de remédier à cette lacune pour le secteur automobile, mais son financement est limité et il cible trop étroitement les fournisseurs de petite et moyenne taille.

Pendant ce temps, les entreprises canadiennes qui cherchent à se développer continuent de trouver difficile l’accès à du capital de risque privé ou public.

Le CPSCA propose de collaborer avec le Canada et l’Ontario afin d’atteindre les objectifs prioritaires suivants visant à améliorer l’efficacité de l’aide financière pour l’innovation dans le secteur automobile canadien :

  • Améliorer le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile en passant des prêts aux subventions, y compris une aide pour les investissements dans les processus de fabrication et le travail d’innovation et de R‑D réalisé par des entreprises canadiennes admissibles;
  • Travailler avec les membres du CPSCA et d’autres afin de mieux cibler le Fonds d’innovation pour le secteur de l’automobile et ainsi d’améliorer la participation des fournisseurs canadiens de ce secteur;
  • Se pencher sur les possibilités limitées de rembourser les crédits de RS‑DE accumulés afin d’intensifier le travail de R‑D admissible au Canada, selon certaines conditions ou limites;
  • Améliorer l’offre de capital de risque aux entreprises en développement du secteur automobile en adoptant une version Canada/Ontario correspondante au crédit d’impôt remboursable de 30 % offert par la Colombie‑Britannique aux capital-risqueurs, jusqu’à concurrence de 200 000 $;
  • Adopter un crédit d’impôt pour brevets s’appliquant aux revenus générés par les droits de PI appartenant à des entreprises canadiennes en développement. 

4. Un régime de réglementation et de propriété intellectuelle facilitant

Dans un contexte où les équipementiers se tournent de plus en plus vers le Canada comme source importante de travailleurs de talent et d’innovation, le Canada a l’occasion de créer un écosystème de l’innovation attrayant qui génère une croissance économique de forte valeur. Mais les gouvernements du Canada doivent adopter une approche stratégique tenant compte des besoins en innovation spécifiques du secteur automobile. Les gouvernements des quatre coins du monde s’efforcent d’harmoniser les intervenants, d’élaborer des programmes technologiques pertinents (en ce qui a trait, notamment, aux nouvelles technologies autonomes ou à la cybersécurité), de mobiliser les acheteurs de la chaîne d’approvisionnement mondiale et de créer un contexte réglementaire convenant à ces activités.

Les gouvernements peuvent également s’assurer que les nouvelles dépenses dans les infrastructures misent sur le développement, la mise à l’essai et la commercialisation de nouveaux systèmes intelligents, y compris les nouvelles autoroutes et traversées de pont, comme le pont Gordie Howe, pour favoriser le déplacement efficace des biens et anticiper l’arrivée des nouveaux véhicules autonomes.  

Même si les gouvernements peuvent aider leurs champions émergents des technologies à se développer, leurs politiques et règlements ont parfois pour effet de freiner l’innovation. Les organismes de réglementation, les agences et les institutions ont une grande incidence sur la décision des équipementiers internationaux d’entreprendre des activités de R‑D dans un pays donné. Une réglementation qui, par exemple, favorise l’essai des véhicules autonomes ouvre la voie à la formation de nouveaux partenariats et à des investissements. D’autres règlements, par exemple, l’imposition de limites à l’accès des talents étrangers ou des politiques qui restreignent la prestation de nouveaux services à la clientèle disponibles ailleurs dans le monde, peuvent menacer les investissements en R‑D au Canada.   

Les gouvernements jouent également un rôle stratégique dans la création d’une base de connaissances utile dans leur pays et peuvent s’assurer que les entreprises en développement et en démarrage disposent des capacités stratégiques requises pour croître et deviennent concurrentielles au sein de l’économie mondiale des idées au 21e siècle.

Les pays souhaitant créer un avantage concurrentiel pour leurs entreprises technologiques dans cette nouvelle économie des idées ont élaboré des stratégies complexes qui les aident à être concurrentielles et à se développer. Le passage vers une économie mondiale à forte valeur reposant sur les idées est une réalité à laquelle le Canada doit préparer ses nouvelles entreprises. Actuellement, près de 80 % des exportations américaines reposent sur la PI. Les États‑Unis délivrent 600 000 brevets par année et la Chine, 1 000 000 000. Des pays comme la France, la Corée du Sud et le Japon se sont dotés de réserves de brevets stratégiques qui permettent de renforcer et d’habiliter leurs entreprises de premier rang. 

Dans l’économie mondiale actuelle, les idées sont la matière première immatérielle qui alimente l’innovation. Les idées peuvent être protégées à titre de propriété intellectuelle grâce aux brevets, mais les marchés qui recherchent cette matière première sont à leur tour réglementés par des lois, des règlements, des organismes, des normes ou des tribunaux. Les innovateurs doivent donc recourir à des stratégies de plus en plus complexes pour gérer leur PI et garantir leur « liberté d’opérer ».

La création de nouvelles technologies automobiles innovantes et de nouveaux modèles d’affaires permet à des entreprises en développement ou à des fournisseurs canadiens de générer, de détenir et de vendre les idées ou des technologies brevetées. Les fournisseurs du secteur automobile ont coutume de conserver leurs droits de PI. Par conséquent, les entreprises technologiques créatrices de PI qui participent à la chaîne d’approvisionnement mondiale de ce secteur peuvent prendre de l’expansion et générer des revenus découlant de leurs licences, tout en créant des emplois de grande valeur, ici au Canada.   

Le CPSCA propose de travailler avec le Canada et l’Ontario aux priorités suivantes concernant l’établissement d’un écosystème de l’innovation productif :

  • Le gouvernement doit faire un choix et orienter ses politiques et son aide vers la création de grappes regroupant des équipementiers, des fournisseurs et des entreprises en démarrage menant des activités de R-D au Canada;  
  • Les gouvernements, de concert avec l’industrie, doivent agir à titre de facilitateurs et de coordinateurs pour l’essai de nouvelles technologies et les projets de démonstration à grande échelle (concernant, par exemple, la conduite autonome, la cybersécurité), projets réalisés par l’industrie et mobilisant les équipementiers acheteurs de technologies;
  • Les gouvernements peuvent veiller à ce que les nouvelles infrastructures de transport soient conçues et construites en tenant compte du développement, de l’essai et de la commercialisation des nouveaux systèmes de transport intelligents;
  • Dégager les règlements qui encouragent ou découragent l’innovation dans le secteur automobile au Canada et proposer des solutions qui favorisent des investissements dans l’innovation au Canada;
  • Explorer la création de bassins de brevets touchant l’industrie automobile au Canada, ce qui comprend la PI découlant des universités et des établissements de recherche au Canada, afin de la mettre à la disposition d’entreprises technologiques émergentes canadiennes qui offrent une valeur additionnelle au secteur automobile;
  • Collaborer avec le CPSCA pour contribuer à la création d’un centre de R-D axé sur l’automobile, relevant du Conseil national de recherches, et réévaluer périodiquement son orientation avec l’industrie;
  • Explorer la possibilité de supprimer les obstacles entre les établissements d’enseignement supérieur canadiens afin de favoriser la collaboration dans des domaines clés de l’innovation et de la création de propriété intellectuelle visant le secteur automobile.

Quelques termes et définitions

Lorsqu’il est question d’élaboration d’une politique de l’innovation ou d’une stratégie d’innovation sectorielle, il est utile de connaître certaines définitions et de faire certaines distinctions.  

a) « Fabrication automobile » et « R-D sur les produits »

La « fabrication de pointe » est souvent évoquée comme la panacée du secteur automobile canadien. Il importe de faire la distinction entre fabrication automobile, un processus de pointe faisant appel à des systèmes de robotique et informatiques élaborés, et à des processus de mise en séquence et une logistique complexes, et la technologie et la R-D automobile, le processus qui consiste à investir, à tester, à intégrer et à optimiser de nouveaux produits et services. Ce sont des éléments distincts dans la plupart des grandes entreprises mondiales de ce secteur, qui font appel à des stratégies distinctes de mobilisation de la clientèle. 

Même si le Canada bénéficie de capacités de pointe dans ses usines d’assemblage, les mandats d’investissement dans la fabrication automobile sont souvent influencés par des facteurs associés à la compétitivité, comme le coût relatif et la qualité de la main‑d’œuvre, de l’électricité, de la logistique et d’autres coûts d’intrants, ainsi que par les accords commerciaux et les incitatifs financiers. Les investissements dans la conception de produits et la R‑D dépendent davantage de facteurs comme le talent, les alliances avec les universités, les politiques régissant la propriété intellectuelle, l’efficacité des mesures d’aide financière destinées à l’innovation en entreprise et divers autres facteurs qui ont pour but de favoriser l’innovation.   

b) « Invention », « innovation » et « commercialisation »

Par invention, on entend le processus par lequel on parvient à une idée ou une approche réellement nouvelle. En règle générale, elle peut être détenue et protégée par un brevet ou d’autres droits de propriété intellectuelle.
Par innovation, on entend le processus par lequel on exploite des idées pour améliorer des produits ou services existants. L’innovation comprend généralement un processus d’expérimentation, l’essai de nouvelles approches, des échecs, des tests, de nouveaux essais et la validation des améliorations. L’innovation à elle seule ne garantit pas la vente commerciale d’un produit amélioré.

Par commercialisation, on entend le processus par lequel on met en marché un produit ou un service validé. Elle englobe les investissements et les études de marché, les analyses de réglementation, le marketing et l’augmentation progressive de la production.

c) « Entreprises en démarrage » et « entreprises en développement »

Les entreprises en démarrage cherchent un marché pour leurs produits et services, et expérimentent afin d’offrir une valeur additionnelle aux clients. 

Les entreprises en développement ont déjà validé leurs produits et services, souvent au moyen de la propriété intellectuelle, mais elles doivent maintenant se développer.

Lectures et références :

CPSCA Un appel à l’action : II -  « L’industrie automobile canadienne a effectué des investissements considérables et valables dans l’infrastructure canadienne de la recherche. Toutefois, ces investissements n’ont pas été uniformes d’un segment à l’autre et d’une entreprise à l’autre, à cause des différences sur le plan des mandats et de la proximité. L’industrie doit mettre en commun des pratiques exemplaires et établir un plan d’avenir positif et mutuellement avantageux pour que les capacités de la collectivité de recherche canadienne soient comprises, représentées et accessibles. »

Tiré du rapport du conseiller pour le secteur automobile (janvier 2016)  – Recommandations liées aux technologies

  • Cartographier le secteur canadien de la technologie de l’information de manière à mieux comprendre et à promouvoir les atouts du Canada, notamment dans la technologie de l’information.
  • Favoriser la capacité dans le but de développer de nouvelles technologies afin de satisfaire aux exigences environnementales et de répondre à la demande des consommateurs.
  • Investir dans le développement de nouvelles technologies conformément à l’orientation future de l’industrie et le soutenir.
  • Conserver des programmes comme le PIFSA qui appuient l’innovation permanente chez les fournisseurs.
  • Chercher à conclure des ententes de collaboration officielles pour la R-D et le développement de la technologie avec le Michigan, l’Ohio, l’Allemagne et le Japon.

Autres rapports

Innovation et stratégies d’entreprise : Pourquoi le Canada n’est pas à la hauteur
Conseil des académies canadiennes Juin 2009             
Robert Brown

Canada’s Innovation Imperative (en anglais seulement)
The Institute for Competitiveness & Prosperity Juillet 2011
Roger L. Martin, président

Canada’s Innovation Underperformance: Whose policy problem is it? (en anglais seulement)
Mowat Centre (Université de Toronto) Octobre 2011    
Tijs Creutzberg

Innovation Canada : Le pouvoir d’agir
Rapport du groupe d’experts chargé de l’examen du soutien fédéral de la R-D Octobre 2011
Peter Nicholson et David Côté sous la direction du groupe d’experts (Tom Jenkins, président)

L’état des lieux ─ Le système des sciences, de la technologie et de l’innovation au Canada : vers un leadership international
Le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation (CSTI) Mai 2012
Howard Alper
Lettre de MEC au gouvernement fédéral sur la Stratégie des sciences, de la technologie et de l’innovation du Canada(en anglais seulement)
Manufacturiers et Exportateurs du Canada Février 2014
Jayson Myers

L’innovation dans l’industrie manufacturière : propulser le plus important secteur canadien à travers des technologies perturbatrices
Chambre de commerce du CanadaDécembre 2014
Scott Smith

Is Canada Turning a Corner on Innovation? (en anglais seulement)
Le Conference Board du Canada Août 2015
Daniel Munro et Sheila Rao

Global ranking tell worrisome tale about state of Canadian innovation (en anglais seulement)
Globe and Mail Septembre 2015
Kevin Lynch

The Key Challenge for Canadian Public Policy: Generating Inclusive and Sustainable Economic Growth(en anglais seulement)
Centre d’étude des niveaux de vie   Septembre 2015
Don Drummond, Evan Capeluck et Matthew Calver

Government investment can reverse Canada’s business innovation deficit(en anglais seulement)
Globe and Mail Octobre 2015
Andrew Jackson

Paradoxe dissipé : Pourquoi le Canada est fort en recherche et faible en innovation           
Conseil des académies canadiennes (CAC) 2005 – 2015
Peter Nicholson, Bob Fessenden, Marcel Côté

« General Motors annonce l'expansion des travaux d'ingénierie et de développement de logiciels des véhicules connectés et autonomes au Canada en vue d'atteindre un total d'environ 1 000 postes » (GMinnovates.ca)